«Décélération» : le titre de l’exposition de Dominique Blais à la Galerie Edouard Manet donne le ton, et le rythme. Une invitation à la contemplation visuelle et auditive d’une œuvre sensible qui combine arts plastiques et sonores et joue avec subtilité sur les seuils de la perception.

Pour sa première exposition personnelle dans un centre d’art, Dominique Blais, né en 1974, ne s’est pas laissé emporter par l’envergure de l’événement en voulant en faire trop. À l’image de nombre de ses œuvres, cette exposition, intitulée « Décélération », est remarquable de retenue et de sensibilité. Et il s’agit bel et bien des plus précieux de nos sens, la vue et l’ouïe, qu’elle s’applique ici à canaliser, à ralentir, à apaiser aussi. Regarder et écouter, c’est précisément ce à quoi nous incite la première œuvre présentée dans l’exposition : Transposition (Variations) est une vidéo de 26 minutes construite sur une succession de plans séquences montrant le trompettiste canadien Gordon Allen se livrer à une improvisation musicale. Ainsi explicitement donné à voir par ces images, le son s’en trouve toutefois physiquement dissocié du fait qu’il émane en réalité, de façon simultanée, de structures tubulaires suspendues au dessus de trois « îlots » circulaires sur lesquels les visiteurs, baignant dans l’obscurité ambiante, sont invités à venir se (re)poser, écouter et/ou regarder. Une attention particulière est requise tant l’image, comme le son – parfois réduit à un simple souffle –, se révèlent ténus, respectivement inondée d’ombre et parsemé de silences.



Le parcours conçu par Dominique Blais dans cette exposition soulevant l’évocation en creux de la musique, récurrente dans sa démarche, met en évidence un double mouvement articulé autour des problématiques sensorielles qui habitent son œuvre : de Transposition (Variations) à Transmission – en passant par Les Disques et Les Cordes – le son s’exténue, jusqu’à disparaître, alors que la luminosité artificielle croît. Une progression en douceur qui, à l’image du fader, cet outil permettant de contrôler le volume d’une piste audio et d’éviter ainsi les à-coups brutaux et autres accélérations déroutantes, impose un rythme qui va à l’encontre de celui dicté aujourd’hui par une société dont les dérèglements proviennent tant de sa désynchronisation que de son obsession de (donner à) vivre le monde en temps réel. La «décélération» de Dominique Blais déploie un univers en son et lumière épargné par la dérive spectaculaire qui gagne de plus en plus de terrain dans le champ des arts plastiques. Du ralentissement comme montée en puissance…
Texte publié sur le site de Mouvement:
http://www.mouvement.fr/site.php?rub=2&id=61be20aad889236b
Lien vers le site de l'artiste:
http://www.dominiqueblais.tk/
Crédits photographiques:
Transposition (Variations), 2008
Les disques, 2008
Transmission, 2008
Sans titre (Les cordes), 2008
Courtesy Galerie Xippas, Paris
© Emba Manet / Photo : Laurent Lecat
2 commentaires:
Très intéressant, comme toujours!
Auriez-vous un e-mail de contact?
Cordialement
merci
annelou.vic@voila.fr
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