Cultivant la poésie des inventaires, Linda Sanchez passe le quotidien au crible de son regard, hyperactif. L’observation du réel, y compris ce qu’il comporte de plus anecdotique a priori, constitue au sein de sa démarche une activité maîtresse dont émane un ensemble de notes, micro expériences, faits et gestes faisant œuvre. Extractions, prélèvements et autres récupérations nourrissent une œuvre qui se plaît à explorer les espaces interstitiels et transitoires, refuges de tous les possibles.


Dans une frénésie rhizomique, les fragments se multiplient et s’accumulent, autorisant de possibles rajouts, extensions et autres excroissances à venir, à l’image de la nuée informe que composent des dizaines de multiprises branchées les unes aux autres (Le Potentiel, 2007). Élaborée à partir de toiles d’araignée glanées au gré des flâneries de l’artiste, À la pêche (2007) est une œuvre à échelle variable dont la trame naturelle, reportée sur un fond noir, crée à distance un dessin fébrile, artificiellement souligné par du fil de pêche.



La Partie pour le tout (2007) – des poissons rouges pris dans des bulles en pâte à ballon flottant dans un bocal rempli d’eau – se révèle exemplaire quant à la dimension non seulement métonymique, mais tautologique de nombre de travaux de Linda Sanchez, comme le suggèrent notamment les œuvres User du vent pour produire du vent (2007), faisant interagir une éolienne et un ventilateur de part et d’autre du lieu d’exposition, ou Page(s) (2006), un flip book représentant, image par image, une page en train de se tourner, mais dans le sens inverse de défilement.
Avec une grande économie de moyens, Linda Sanchez s’applique à une constante réinvention du quotidien, (ab)usant du réel comme d’une inépuisable pâte à modeler. Abolissant le statut hiérarchique de ses trouvailles, enregistrements et fabrications jaillissant des creux, terrains de jeux de construction perpétuelle, elle bâtit une œuvre processuelle qui, selon une démonstration empirique jubilatoire, réaffirme tant la fondamentale inutilité de l’art que son absolue nécessité.
Texte paru à l'occasion de l'exposition de Linda Sanchez «Ritournelle et déhanchement», présentée à la galerie Bertrand Grimont jusqu'au 21 juin.
www.bertrandgrimont.com
Photos:
En attendant que ça refroidisse
À la pêche
30 cm
Débattre la mesure
La partie pour le tout
Courtesy Galerie Bertrand Grimont
© Blaise Adilon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire